Céline

sapeur pompier, 40 ans, vit à MENTON (ALPES-MARITIMES)

 

photo © Marco Barbon

Le lien, c’est de prendre sa médaille de baptême quand je pars traverser une partie de la France à vélo ou faire un trek au bout du monde pour qu’il soit un peu avec moi.

 

« Maman, je vais perdre mon fils » - voilà ce que j’ai dit à ma mère lorsque je lui ai annoncé que je divorçais. Je ne sais pas comment cela se passerait mais j’en étais sure. Je savais que le divorce aurait des conséquences sur notre relation, qu’il serait difficile de garder le lien.

Aujourd’hui on se voit seulement deux heures par mois dans un lieu médiatisé, il ne veut plus me parler, il ne veut plus être avec moi.


Le premier jour, quand il est né, quel était notre lien? 

C’était difficile à définir. Né six semaines en avance, mon fils est parti directement avec le personnel médical et je suis restée dans la salle d’accouchement ... seule. Compliqué à ce moment là de me sentir maman, j’avais un bébé dans mon ventre quelques minutes avant, et là plus rien du tout, ni à l’intérieur de moi, ni à côté. Je me rappelle un sentiment bizarre de vide…

Le lien, il est arrivé quelques heures plus tard, quand j’ai pu descendre dans la salle de néonatologie et qu’une infirmière l’a posé contre moi et que je l’ai nourri pour la première fois. Ce sentiment d’amour intense qui m’a envahi et qui - je l’ai su à ce moment précis - serait là pour toujours… toujours. 

Le lien c’est lors de sa première sortie scolaire quand j’ai accompagné la classe et que il m’a gardé la place à coté de lui dans le bus. Il avait trois ans et il disait à tous les copains qui voulaient s’assoir à coté de lui : « non c’est la place de maman ». J’ai pris une photo ce jour-là, elle est accrochée sur mon frigo et dans ses yeux, dans l’échange de regard que nous avons eu, il y avait ce lien. 

Le lien, c’est de prendre sa médaille de baptême quand je pars traverser une partie de la France à vélo ou faire un trek au bout du monde pour qu’il soit un peu avec moi.

Le lien c’est sentir mes jambes qui vacillent et devoir m’assoir quand il s’est cassé la jambe au ski ; quand le médecin lui faisait le plâtre et que je devais lui tenir le masque qui lui permettait d’inhaler le calmant j’étais au bord du malaise ...comme si c’était moi qui avais mal. 

Le lien, c’est avoir une boule au ventre quand il a passé sa première journée avec la nounou, quand il a changé d’école, quand il est parti en classe de neige... En me disant « j’espère que tout ira bien ».

Le lien c’est tout ressentir comme si c’est moi qui vivais les choses à sa place.
Le lien c’est penser à lui quand je réussis quelque chose en me disant que j’aimerais qu’il soit là. Dans toutes mes « victoires » j’ai une pensée pour lui, j’aimerais partager ça avec lui. 

Le lien, c’est de savoir qu’on sera toujours ensemble même si ce n’est pas le cas physiquement.

Il n’y a pas de lien plus fort que celui qui unit une mère à son enfant.

Céline, avril 2024

La question de l’exclusion parentale, elle est compliquée parce qu’en fait elle n’est prise en compte dans son entièreté par personne, que ce soit les professionnels comme les psychologues qu’on voit dans les espaces rencontre parent-enfants ou les juges. Tout le monde regarde uniquement la situation du parent avec son/ses enfant/s et personne ne regarde la situation dans son ensemble, avec de la hauteur.
Si on étudie mon divorce dans sa globalité, on voit qu’en fait il y a plein de comportements déviants de la part du père de mon fils - et ces comportements ne sont jamais pris en compte… En fait, ça pourrait montrer une situation dans sa globalité et ça personne ne le regarde… On se pose juste la question de retrouver du lien entre cette maman et cet enfant qui la rejette mais sans regarder la situation avec de la hauteur et dans son ensemble (...)
— extrait de l'entretien avec Céline, le 16 avril 2024