Luciana

CHARGée de mission en dévéLoppement durable, née en 1967, vit à PARIS (île-de-france)

 

photo © Marco Barbon

Les jeux sont toujours là, et moi aussi

 

« Au moment de la séparation (très conflictuelle) avec mon ex-mari, ma fille avait 8 ans et notre relation s'est retrouvée bouleversée. La garde alternée demandée par mon ex-mari et imposée par le JAF, a été une épreuve difficile pour elle comme pour moi, du fait que pendant la semaine de garde du père j’étais privée de la possibilité de parler à ma fille.
Ne pouvant pas échanger avec elle, je m'arrangeais parfois avec les mamans des camarades de classe pour la voir lors de fêtes d’anniversaire, où j’étais invitée aussi avec le prétexte de prendre un thé entre mamans. À l’époque nous étions très proches avec ma fille et les moments partagés lors de ma semaine de garde étaient de vraies parenthèses de bonheur. C’est à ce moment-là que ma fille m’a dédié une chanson qu’elle avait écrit , intitulée La guerre à maman et qui commençait ainsi : « On ne fait pas la guerre à maman, et pourtant ma mamie la fait et mon papa aussi…»! J’étais sidérée de lire cela, mais j’espérais que mon ex-mari et sa famille auraient accepté, avec le temps, la séparation pour le bien de notre fille.
Plus tard avec l’adolescence et suite à une dispute banale la situation a basculé : elle avait 15 ans et je me suis retrouvée attaquée au tribunal pour violence contre mineur dans une procédure d’urgence.
Le juge a suspendu la garde alternée à la demande de ma fille et de son père, pour fixer de manière temporaire une garde exclusive en faveur de celui-ci, et ordonner une expertise psychologique pour vérifier s’il y avait eu violence lors de la dispute. J'ai vécu cette expérience douloureuse comme si j'étais une criminelle, malgré l'aide d'une psychologue de l’association « AJC contre le harcèlement et les violences morales intra-familiales », qui me suivait depuis un an et demi pour les difficultés de la séparation et leurs impacts sur ma fille.
L’expertise psychologique a confirmé que je n’étais absolument pas une personne violente mais, face à l’insistance de ma fille poussée par les fausses déclarations du père (qui me décrivait comme une femme violente), a quand même recommandé de continuer la garde exclusive accompagnée par une thérapie familiale. Par conséquent la juge a confirmé cette modalité de garde et la thérapie familiale, thérapie à la quelle je n’ai pas donné suite car inefficace, selon ma psychologue, en raison du profil manipulateur du père.

Avec le temps ma fille a recommencé à venir chez moi régulièrement sans soucis , et me raconter sa vie tout en gardant une certaine distance : pour elle plus question de bisous ou même de se prendre dans les bras. Trois ans se sont écoulés ainsi, puis à 18 ans elle a complètement arrêté de venir chez moi les week-ends alternés, tout en acceptant qu’on déjeune ensemble de manière sporadique. Cela jusqu’au mois de septembre 2019 quand subitement elle a décidé de couper tous les ponts avec moi, car il aurait fallu à ses yeux que je « lui demande pardon publiquement pour le mal que je lui avais fait », en revenant sur l'épisode de la dispute de 2015 et en rajoutant son regret de ne m'avoir pas dénoncé à la police lors des faits, pour que je perde mon autorité parentale! Elle a affirmé que je n’étais plus sa mère et qu'elle n'avait pas besoin d'une mère! Mon doute est que quatre ans après la dispute, cet épisode de « violence » dans sa tête avait pris des proportions gigantesques et irréelles. Ça a été un moment extrêmement difficile à vivre. Ses mots étaient très durs, livrés dans un message WhatsApp sans véritable explication : une attaque frontale gratuite et délirante...
Depuis, elle ne répond plus à mes messages et les rares rencontres du passé sont devenues de précieux souvenirs.
Aujourd’hui ma fille a 24 ans et malgré la blessure profonde avec laquelle je vis, je continue à lui envoyer de temps en temps des messages par WhatsApp comme une bouteille à la mer. Elle ne répond jamais, mais je lui rappelle que je suis là, en espérant qu’un jour elle pourra se raccrocher à ces mots du cœur comme à une bouée de secours et que nous puissions nous retrouver à nouveau ».

Luciana, janvier 2025