Luciana

CHARGée de mission en dévéLoppement durable, 58 ans, vit à PARIS (île-de-france)

 

photo © Marco Barbon

Les jeux sont toujours là, et moi aussi

 

« Au moment de la séparation (très conflictuelle) avec mon ex-mari, ma fille avait 8 ans et notre relation s'est retrouvée bouleversée. La garde alternée demandée par mon ex-mari et imposée par le JAF, a représenté pour ma fille et moi une grosse épreuve, surtout parce que pendant la semaine de garde du père nous étions privées de la possibilité de se parler. Ne pouvant pas lui parler, je m'arrangeais parfois avec les mamans des camarades de classe pour la voir lors des fêtés d’anniversaire, et ainsi avoir de ses nouvelles.
Ma fille et moi étions très proches, puis avec l’adolescence face à une dispute banale, la situation a basculé : elle avait 15 ans et je me suis retrouvée attaquée au tribunal pour violence contre mineur dans une procédure d’urgence?!
Le juge a suspendu la garde alternée à la demande de ma fille et du père, pour fixer de manière temporaire une garde exclusive en faveur du père, et surtout demander une enquête psychiatrique pour vérifier la violence dénoncée. J'ai vécu cette expérience douloureuse comme si j'étais une criminelle, bien qu’aidée par une psychologue de l’association contre le harcèlement et les violences morales intra-familiales, qui avait commencé à me suivre depuis un an et demi lors de mon divorce.
Les psychologues ont conclu l'enquête affirmant que je n’étais pas du tout une personne violente, toutefois ont recommandé de poursuivre la garde exclusive sous insistance de ma fille et du père et d’initier une thérapie familiale. La juge a donc confirmé cette modalité de garde. Quant à la thérapie, cette dernière n’a jamais eu lieu en absence de démarches en tel sens de la part du père, ni de moi-même puisque, selon mon conseil psychologue, totalement inefficace vu le profil psychologique de mon ex-mari.
Au fil du temps ma fille a recommencé à venir chez moi sans souci les week-ends (selon la garde établie par le juge), à me raconter sa vie, mais tout en gardant une certaine distance. Pour elle il n’était plus question de gestes affectueux : pas de bisous ou de se prendre entre les bras ou des mots douces.
Malgré tout, cela m’avait redonné un peu d’espoir que la relation entre nous deux puisse se reconstruire avec le temps … mais après le lycée et ses 18 ans elle a arrêté de venir chez moi, et nos rencontres se réduisaient à quelques déjeuners à l’extérieur de temps en temps.

Cela jusqu’au mois de septembre 2019 quand elle a décidé, avec un message par Whatsapp, de couper avec moi car il fallait que je "lui demande pardon devant tout le monde pour ce que je lui avais fait" - faisant allusion à l'épisode de 2015. À cette occasion, elle a rajouté également son regret de ne m'avoir pas dénoncé à la police à l'époque, car j'aurais perdu mon autorité parentale et que je n’étais plus sa mère… en fin de compte elle n'avait pas besoin d'une mère ! J’étais sidérée par la violence de ses mots et j’ai compris que, dans sa tête, l'épisode de « violence » dénoncé en 2015 avait pris une dimension démesurée et irréelle! Ça a été un moment extrêmement difficile à vivre, ses mots étaient très durs, livrés sans véritable explication : une attaque gratuite et délirante... Depuis 2019 j’ai très peu de contacts avec ma fille, elle ne répond pas à mes messages et les rencontres sont rares et de courte durée, parfois en été chez mes parents pour 2/3 jours maximum, puisque c’est l’occasion pour elle de rencontrer aussi ses cousins avec qui elle reste proche. Aujourd’hui je sais qu’il s’agit d’une histoire d’exclusion parentale dont la victime est ma fille plus que moi malgré la souffrance subie, et j’espère que le temps et la vie, faite d’expériences et des rencontres, lui apprendront que sa mère est et sera toujours là pour elle ».

Luciana, avril 2022