Catherine

ARTISTE, 52 ans, vit à LES HOUCHES (haute-savoie)

 

photo © Marco Barbon

Les souvenirs suspendus

 

« Mon ex-mari est parti il y a six ans s'installer à Palm Spring en Californie en retournant contre moi mes deux enfants. Nous vivions à Chamonix, leur père est anglais. Mes enfants étaient âgés de 15 et 18 ans à l'époque, nous étions très proches, mais mon ex avait promis à ma fille Emma qu'elle deviendrait une star de cinéma hollywoodienne, et à mon fils Mike qu'il deviendrait champion du monde et olympique de ski *. Ils n'ont pas résisté à l'appel des sirènes, aussi caricatural que cela était, mais rien de tout cela n'est arrivé bien sûr. Pourtant ils restent toujours sous emprise. 
Ma fille revient parfois vers moi exceptionnellement, puis re-disparait pendant des mois. Mon fils ne m'a plus parlé depuis son départ ». 

Catherine, janvier 2023

* pour préserver leur anonymat, les prénoms des enfants ont été modifiés

 

photo © Marco Barbon

Je crois vraiment qu’en tant que maman l’aliénation parentale est encore plus difficile à vivre - même s’il est très difficile à vivre par un papa également - parce qu’il y a cet ancrage culturel qui veut qu’un enfant ne renie ni rejette jamais sa maman - c’est quelque chose de profondément ancré… les gens disent que, pour que cela arrive, il faut vraiment que quelque chose de très grave se soit passé… les gens disent aussi qu’un enfant revient toujours vers sa maman, que c’est un instinct animal, que c’est impossible que ça puisse se passer autrement! En tant que maman alors, quand on se retrouve dans cette situation d’être rejetée par nos propres enfants, c’est comme si on avait une double peine : on a la peine de la séparation - du fait qu’on nous a arraché nos enfants ; et on a la peine du regard des autres et de la culpabilité que ce regard nous fait ressentir : on se sent jugés par les autres, même par nos proches, qui sont convaincus que quelque chose de grave a dû se passer qui justifie le rejet. Les papas tombent moins sous cette épée de Damoclès de la culpabilité : car culturellement on est plus habitué au fait que les papas partent travailler, qu’ils s’occupent moins des enfants...
— Catherine Quentier