Bruno

agriculteur gÉRANT d’entreprise, 61 ANS, vit à LIMOURS (YVELINES)

 

photo © Marco Barbon

Vos jouets se sont tus dans un silence assourdissant

 

Je rencontre Virginie, la mère de mes filles, au début des années 90 dans le cadre professionnel. Mariée et sans enfants, elle quitte son (premier) mari au bout de quelques semaines pour s’installer chez moi. 

Deux ans plus tard, elle n’est toujours pas enceinte. Mon infertilité est totale, elle choisit alors avec mon accord la solution de l’IAD. 
Les professionnels insistent sur le besoin d’un foyer stable pour les enfants nés dans ces conditions.
Quatre ans plus tard naît Emma *. Lorsque pour la première fois je prends ma fille dans les bras, j’oublie ce long parcours du combattant et je me ressens profondément père pour l’avoir tant voulu.

Trois ans plus tard, une petite sœur arrive, Océane *, née sous le même protocole.

Océane a trois ans lorsque leur mère quitte brutalement le domicile conjugal.

Je ne reconnais pas la femme avec qui j’ai partagé quinze ans de ma vie et qui se retourne contre moi avec arrogance et mauvaise foi. Elle se pose en victime semant le trouble dans notre entourage et nourrit le dossier de divorce d’invectives, lettres recommandées, polémiques dont j’essaie de me défendre.
 Néanmoins lors de l’ordonnance de conciliation, elle propose une garde alternée qui durera quatre ans. Pendant toutes ces années je choisis de tenir mes filles à l’écart du conflit, préoccupé essentiellement par leur bien être dans cette garde partagée.
 Leur mère en revanche fait tout pour me mettre en échec. Impossibilité de communication lorsque Emma et Océane sont chez elle, y compris pour les anniversaires et Noël. Elle est omniprésente par téléphone les semaines où les filles sont chez moi. Je ressens le déséquilibre qui s’installe avec mes enfants sans pour autant prendre conscience de l’emprise qui se met en place et qui sera fatale à ma relation avec Emma et Océane.

Dix mois après le divorce, le jour du départ des vacances d’été avec mes filles, je reçois par courrier d’huissier une assignation en référé pour stopper la garde alternée. Mes filles ont écrit au juge « qu’elles feraient tout pour ne plus aller chez leur père car il critique leur mère ». 
Je suis devant un choix cornélien : soit je saisis un juge pour enfants, en considérant mes filles en danger psychologique, en risquant un rejet plus important, soit j’essaie de maintenir le lien coûte que coûte. J’opte pour cette deuxième solution, espérant encore que certains moments passés avec Emma et Océane leur laisseront une image positive de leur père. Au retour des vacances, je perds la garde alternée. Mon ex-femme joue la victime, les filles dans son sillage.

Le juge conclue que chacun des parents est apte à l’éducation des enfants. Il invite la mère, qui a obtenu la résidence des filles, à mettre en œuvre une bonne communication.
 Les week-ends et les semaines de vacances qui me sont attribués virent au cauchemar. Je décide de consulter un spécialiste, qui diagnostique un Syndrome d’Aliénation Parentale. Il m’explique que la perte de mes filles m’attend à échéance.
Je souffre terriblement, d’autant que je suis perpétuellement accusé d’être responsable de cette situation, sans que des faits précis me soient reprochés.

Pas de discussion possible car quoi que je dise, je me heurte à  « tu n’es qu’un gros menteur ».

Au fil du temps, Emma et Océane reprennent le rôle de leur mère à leur propre compte et me font comprendre qu’elles sont seules maîtresses de leurs discours et de leurs agissements. Pour mon ex la partie est gagnée : elle s’efface derrière ses filles et ira même jusqu’à prétendre qu’elle fait tout pour maintenir la relation père/filles et qu’elle s’étonne d’un tel rejet de leur part à mon égard. 
Insultes, humiliations. Mon ex femme continue son jeu bien rôdé, les enfants derrière elle, dans une mise en scène bien préparée. 

C’est l’overdose, je craque et leur dit d’appeler leur mère pour qu’elle vienne les chercher. Je ne les reverrai plus.
 Le seul lien qui reste, c’est la pension alimentaire mensuelle que je verse sans aucune contrepartie.
 Emma et Océane, embrigadées dans la logique maternelle, ont choisi de détruire elles-mêmes le lien avec leur père.

Une aliénation parentale aussi sévère dans un tel contexte permettra-t-elle à mes filles un développement équilibré pour leur vie d’adultes en devenir?

Et la justice? À l’écoute des enfant sous emprise et du parent aliénant, elle se contente de noter l’autorité parentale partagée sur le papier alors qu’elle ne peut en garantir l’exercice dans les faits.

Bruno, mai 2023

* pour préserver leur anonymat, les prénoms des enfants ont été modifiés