Hélène
CLERC DE NOTAIRE, 50 ANS, vit à Paris (ÎLE-DE-FRANCE)
photo © Marco Barbon
Le ballon de Rubens
Je n’ai pas vu mon fils, ni eu de contact avec lui de façon normale depuis ses 13 ans. Il en a 15 aujourd’hui. Je vis en suspens depuis avec la sensation d’avoir un membre arraché. C’est viscéral, on m’a expulsé de ma propre vie, celle d’avant quand Rubens * en faisait partie. Partout je le vois, dans la rue, dans le métro, dans les voitures … un vrai fantôme.
J’ai rencontré le père de Rubens en 2002 sur mon lieu de travail. J’étais alors l’heureuse maman d’un petit garçon de 2 ans, né d’une précédente union. Séparée, je suis tombée sous le charme de cet homme qui se voulait rassurant. Les choses se sont vraiment dégradées une fois enceinte, comme si à partir de là, mon ex avait une totale emprise sur moi et sur ma vie. Il devient alors de plus en plus dur avec mon fils aîné. Devenu père, mon petit garçon le dérange. En écrivant ses lignes, je me rends compte que c’est « cliché » mais en même temps c’est tellement vrai. Mon ex aime fulminer. Il se met en colère contre tout et n’importe quoi, pour un rien. Il s’emporte pour des broutilles et fait de la vie de son entourage un enfer. Les cris font vite partie de notre quotidien, devant les enfants, ce que je ne supporte pas. Nous vivons alors dans la peur de l’arrivée de la prochaine crise. Mon fils ainé a 12 ans et la vie ensemble n’est plus tenable. Mon ex ne le supporte plus. Il quitte l’appartement et aménage à 200 mètres. Sept ans passent ainsi, d’un appartement à un autre, au gré de mon ex qui organise seul la vie de notre fils en me mettant systématiquement devant le fait accompli. Je n’ai pas mon mot à dire. Je ne peux rien organiser à l’avance et suis constamment rabaissée et dénigrée devant mon fils par son père.
En mai 2019, j’engage alors une procédure pour encadrer la garde de Rubens afin qu’il y ait une stabilité pour nous. Les choses s’enveniment rapidement. Le père « monte » littéralement notre fils contre moi, l’impliquant dans nos problèmes d’adultes comme s’il était son ami confident. Il me fait « payer » à travers notre enfant. Mon ex m’avait pourtant prévenue : « Si tu me quittes, ta vie sera un véritable enfer ». Il a vu juste.
Du jour au lendemain, la complicité que j’avais avec Rubens est anéantie. Mon fils a coupé tout contact avec moi (physique, téléphonique …) et avec toute ma famille (son grand frère, ses grand-parents, cousins …).
Depuis deux ans je me bats pour que le lien avec mon fils ne disparaisse pas complètement. J’ai cherché conseil auprès de l’association qui se mobilise contre les désastres de l’aliénation parentale. Je suis suivie par un psychologue sensibilisé sur le sujet. Le jugement encadrant la garde de Rubens est rendu mais n’est pas respecté et je dépose régulièrement des plaintes pour non présentation d’enfant mineur au domicile de la mère, sans succès. Je souhaite laisser des traces. J’ai espoir que si un jour mon fils revient, il verra que sa maman s’est battue pour lui et n’a jamais cessé de l’aimer.
Hélène, octobre 2022
* pour préserver son anonymat, le prénom de l’enfant a été modifié